Dédé Lacoux raconte Ménerville
« Oreillettes et Macroutes* »
Pourquoi ce titre ?
Et bien, ne sont-elles pas ces deux douceurs, bien de chez nous, deux sucreries quon a certainement partagées ensemble, nous les enfants ménervillois, les Kader ou Christian, Charlette ou Malika Parce que ces douceurs sont semblables à ces petits « moments-bonheurs » tout simples, comme les parties de foot dans la rue, du jeu de la marelle, de la canette, ou du premier bain au Rocher-Noir
Parce quelles évoquent souvent, aujourdhui encore, et à chaque fois, que lon y croque, ce « quelque chose » de là-bas
Cette saveur sucrée, ce petit parfum de fleur doranger, de miel ou de cannelle qui envahit tout doucement les narines en vous faisant évoquer les :
« Purée, ça mrappelle le jour de lan ou la fête du Mouloud »
Cela aurait pu être aussi, « Zlabias et Mounas », ou « Couscous et Kémias », mais« Oreillettes et Macroutes » cela me parait sonner tellement bien!
Alors, ces textes ont surtout la prétention de raconter à nos enfants et petits-enfants, quelques moments de chez nous, et pourquoi les gens qui y vivaient étaient différents de limage que certains ont voulu donner de notre peuple dAlgérie.
Bien sûr, quils semblent donner une image un peu idyllique, mais ne peut-on aujourdhui enfin, à notre tour, nous les enfants dAlgérie, témoigner et montrer au monde, une autre image tellement réelle de notre vécu
Bien sûr, nous avons eu cette chance, de vivre dans une petite ville, disons un grand village, où nexistaient pas ces clivages des grandes villes, avec leurs quartiers bourgeois, plus modestes ou plus pauvres
Bien sûr que cest une chance, davoir eu comme camarades de classes, ou de jeux Mohammed, Fatiha, Malika, ou Larbi.
Bien sûr enfin, que ces textes sont aussi le regard denfants, dont les familles nont heureusement pas été touchées comme tellement dautres par un drame lié aux évènements.
Parce quaujourdhui aussi, daprès certains de leurs témoignages, nos camarades décole Algériens, ont eux-mêmes du mal à expliquer à leurs enfants, quil existait alors, un autre monde, celui des
Oreillettes et des Macroutes
*Le nom arabe réel serait « Makroud ou megroud», mais je lai tellement de fois prononcé ce mot « Macroute »
Alors, voilà
« Cilima, cilima ! »
« Cilima, cilima ! » Cétaient les cris des petits « moutchous », comme on aimait appeler les petits Arabes des classes primaires, qui ségaillaient à lheure de la sortie.
« Cilima » cétait Cinéma Parce quaujourdhui, la maîtresse avait demandé aux élèves, dapporter une pièce de 5francs (de lépoque), car il y aurait cinéma cet après-midi, dans la salle de la cantine.
A lannonce du programme, tous les enfants avaient gesticulé et déjà écarquillé leurs yeux. Pensez En première partie, un documentaire, que chacun suivrait distraitement, en pensant surtout à la deuxième partie !
La deuxième partie, la maîtresse lavait bien annoncé, cétait :
« CHARLOT Boxeur ! »
Alors, les élèves avaient rempli les bancs sans bruit, et après un petit brouhaha stoppé par un « Silence ! » des instituteurs, la magie du cinéma allait opérer
Les chiffres sur lécran défilaient, et à lunisson tous les élèves prononçaient :
« 5 4 3 2 1 0 Ah »
Et CHARLOT, déclanchait avec ses mimiques, des éclats de rire, chez les petits et les grands, et cétait alors un grand bonheur partagé.
Et CHARLOT, sesquivait, et CHARLOT tombait, et CHARLOT cognait !...
CHARLOT avec sa canne en bambou, sa petite moustache toujours en mouvement, évitait toujours lénorme moustachu qui le menaçait! Je crois quil est resté pour nous tous, depuis ce temps-là, le symbole dun certain humour, teinté souvent dun soupçon de poésie.
Bien sûr, il y a eu aussi les « MICKEY, LAUREL et HARDY qui nous faisaient aussi bien rire, mais CHARLOT, incarnait tellement la misère et la tendresse, que lon était heureux lorsquil avait sa revanche
Au point, quà la fin de la séance, après avoir lu tous en chur et à haute voix, le mot de la fin sur lécran « Té End !», les yeux éblouis par la lumière du jour, vingt, trente, quarante petits CHARLOTS allaient, dune démarche de pantin, rejoindre la cour de récréation
Je noublie pas, « La révolte de jouets », chef duvre de film danimation, ou « Les Lettres de mon moulin » mais CHARLOT !..
Cinéma, cinéma !
Il sappelait dabord, « Mon Ciné », puis « Le ROXY », notre cinéma
Dabord tenu par la famille PUJOL, puis par Mr MARTIN.
En première partie de toutes les séances, un dessin animé ou un court-métrage
précédait les « ACTUALITES ».
Puis, il roulait des yeux, le groom d « AFRIC-FILMS », pour annoncer les réclames
Et quand elles étaient terminées, il refermait une espèce de volet, où saffichait :

A lentracte, on pouvait quitter la salle noire, et traverser la petite cour pour saccouder au comptoir de la buvette en bois vert, ou tout simplement aller « satisfaire un besoin naturel »
Une sonnerie retentissait pour annoncer la reprise de la séance.
Quelquefois, pendant lentracte, une animation sur la petite scène du cinéma meublait ce court instant.
Sur les bancs, tout près de lécran, les enfants. Avec leurs billets de papier, ils confectionnaient en les pliant, des « sifflettes »*.
Ces instruments, faisaient vite intervenir Ménouar, pour calmer les enfants trop bruyants.
Une oreille tirée ou une petite tape derrière la tête les calmait vite.
Ménouar, cétait le préposé au contrôle des tickets, et à la vente de cacahuètes.
« Zorro », un Algérien surnommé comme ça, à cause de son chapeau de cow-boy, le remplaça.
Après les bancs, quelques rangs de chaises, à peine plus confortables
Enfin, sur une partie plus inclinée de la salle, les « Réservés ». Fauteuils encore en bois, aussi durs, mais dallure un peu plus chic
Mais, il y avait tout au bout des«Réservés », un petit recoin, bien à labri de regards, et jentendais souvent les grands, dire en évoquant ce petit recoin : « Ba, ba, ba, purée comment je lai frottée, dimanche, ma parole dhonneur ! »
Plus tard, jai compris que le terme « frotté », navait rien à voir avec une quelconque tâche ménagère
Il y avait les séances du Jeudi après-midi, en général des films de cow-boys, ou daventures.
La première séance du Dimanche, où ce même film était projeté, concurrençait le football, et ensuite une deuxième séance, finissant plus tard.
Notre cinéma ne me semblait pas si moche que ça, jusquà ce quun jour, un petit groupe de militaires du contingent, y pénétrant à peine, lança :
« Oh dis-donc, ce quil est moche, il est tout en bois leur cinoche ! »
Vexé, je pensais en moi-même : « Cest toi qui es moche, cest toi, pas notre cinéma! »
Dautres séances de cinéma, il y en a eu même à la salle des fêtes, où lon avait assisté à un grand documentaire sur la guerre de Corée, ou dautres films comme « LETERNEL RETOUR » suivi dun débat.
Quelquefois, lété, on avait droit au cinéma en plein air, sur le stade...
Là, il était conseillé dapporter sa chaise. Ce soir-là, on allait nous projeter : « OURAGAN sur le CAINE »
Bien plus tard, à Paris, bien sûr que les belles salles de cinéma mont paru tellement plus confortables et spacieuses, mais ne leur manquait-il pas cette odeur de vieux bois vernis, ce petit bruit de cacahuètes que lon craque et que lon croque, les claquements des chaises et des fauteuils en bois refermés, la jolie petite musique de nos sifflettes*, et peut-être même, la claquette de Ménouar
*Pour ceux qui le souhaitent (Tant pis pour leurs oreilles ) ci-joint la méthode de fabrication des « sifflettes » S.G.D.G

Musique, musiques :
Chacun de nous, doit avoir dans la tête, comme dans la chanson dEddy MITCHEL, « un petit air qui lui rappelle »
Et, en écoutant des enfants chanter :
« Jai descendu dans mon jardin, pour y cueillir du romarin »
Ne nous nous sommes pas déjà dit « Oh mais jétais à la maternelle, quand Madame ROGNON me lavait apprise cette petite chanson-là »
Et, comment séveille-t-on à la musique, que lon soit musicien, ou non ?
Cette sensibilité est-elle apparue en nous, au travers dune petite chanson, dune musiquette, peut-être bien
Personnellement, je pense déjà, à une certaine voix maternelle, par exemple, qui fredonnait ces petites chansons :
« Au clair de la lune, mon ami Pierrot »,
« Bonjour ma cousine, bonjour mon cousin germain »,
« Meunier, tu dors, ton moulin »
« Ils sont dans les vignes, les moineaux »
Et puis, bien sûr, il y a eu les voix de nos premières institutrices, qui dès la maternelle, nous faisaient si bien chanter :
« Petite campanule, qui tinte aux cous des mules, partout vous portez la vie et la gaîté »
« La bonne aventure, ô gué, la bonne aventure »
« Il pleut, il pleut, bergère »
A la radio, pardon à la la T.S.F, sur notre « DUCRETEY-THOMSON » on pouvait écouter « Radio-ALGERIE » et, dès le matin, lindicatif de lémission
« Le bonheur du jour » de Christiane DELACROIX
Cette musique, je lai retrouvée, un peu plus tard, en écoutant un disque de Georges GERSHWING, « Rapsodie in Blue » et, cest la jolie voix de la présentatrice qui mest revenue
Lindicatif encore de lémission enfantine, présentée par José PIVIN, et le son de trompettes qui résonne encore dans ma tête aussitôt que jévoque cette émission (A la poursuite des maillots noirs et son bruit de locomotive)
Celui «Des notes sur ma guitare », ou « Pour nos soldats » avec son indicatif de musique militaire
Et puis, toutes ces belles chansons, aujourdhui jugées « rétros », mais si poétiques :
« Si tu viens danser dans mon village de Lucienne DELYLE »
« Le petit cordonnier et Marjolaine de Francis LEMARQUE»,
« Létranger au paradis et Toi, mon démon de Gloria LASSO»,
« La petite diligence, et Mon ptit paradis dAndré CLAVEAU »,
« Et bailler et dormir dEddie CONSTANTINE»,
« La Saint-Bonheur et Tu npeux pas tfigurer comme je taime de Renée LEBAS »,
« Julie la Rousse et La fête est là de René-Louis LAFFORGUE »
« Andalousie et Santa-Maria de Luis MARIANO »
« Luna Rossa et Petit papa noël de Tino ROSSI »
« La route fleurie et Avoir un bon copain de Georges GUETARY »
« Les roses blanches et Cest un mauvais garçon de Berthe SYLVA »,
« Mes mains et Le pianiste de Varsovie de Gilbert BECAUD »,
« Les voyous de PATACHOU »,
« Une guitare, une vie de Marie-José NEUVILLE, la collégienne de la chanson »,
« Ma petite folie et Achille pourquoi tas dla moustache de TOHAMA »,
«La chasse au canard et Papa, Maman, la bonne et moi de Robert LAMOUREUX »,
Plus tard, « Bambino de la nouvelle chanteuse DALIDA»,
« Si tu vas à RIO et La samba brésilienne de Dario MORENO».
Dans un tout autre registre, remontant la rue de la Mosquée, le son des petites trompettes, et des darboukas, de cet orchestre berbère coiffé de grands chapeaux à pompons, qui passait devant chez nous
Les vibrations de la clique, que nous suivions en marchant au pas, fièrement comme des soldats, admirant les moulinets du clairon de Mr KLEIN, tandis que résonnaient dans notre poitrine, les « boum-boum » de la grosse caisse
Et puis, toutes les jolies chansons de la fête des écoles, à Noël
« Bon voyage, Monsieur DUMOLLET »
« Li, li, li tireli, li foutchang et patchouli, petit chinois si gentil, si gentil et si poli, cest lheure daller au lit KI ! »
« Tic-tac, boum-boum, tic-tac, boum-boum, le petit cordonnier sur son vieux soulier »
« Olé, Toréro et Andalousie » interprétées par un « Luis MARIANO » ménervillois, Claude FEBRER, dit « Poquette » entouré de jolies danseuses espagnoles, lors de la scène sévillane imaginée et mise en scène par
Mr DOUBLIER Ce jour-là, cette scène fut applaudie tellement, quelle fut bissée et triplée
Et, tous ces orchestres qui se sont succédés et qui faisaient danser et danser tous ce petit monde ménervillois sur la place du village, ou à la salle des fêtes : Valse, marche, paso-doble, et raspa, mêlant accents de JAZZ ou musique cubaine :
« YOUNG JAZZ » entre autres, avec aussi un certain Mr QUIRICONI.
Mr QUIRICONI, mais oui !.. Il ne faut pas oublier Mr QUIRICONI.
Notre professeur de musique donnait des cours de solfège, gratuits, tous les jeudis matins dans le local de lécole de musique, face à limmeuble des contributions.
Bien sûr, il ne sagissait que de théorie, et question théorie, nous étions au top.
Pourtant, lors de ses cours de musique, à lécole, en plus de la théorie, il nous faisait écouter soit un disque classique, soit un disque de JAZZ, et nous commentait merveilleusement certains passages, en racontant avec moult détails, la biographie du grand musicien.
Pour exemple, TCHAÏKOWSKI Pierre-Ilitch En commentant une partie de son uvre, il sétendait avec un brin de moquerie dans lil, sur la vie, assez particulière, de ce grand musicien
Et puis, lorsquil nous passait un morceau de JAZZ, en nous expliquant les différentes improvisations des musiciens dans un même morceau, il lançait :
«Mais, je ne vous ai pas raconté La fois, où sur un paquebot, jai rencontré Louis ARMSTRONG Alors, voilà, comment il ma permit de faire « un buf » avec lui »
Et il se lançait avec plein de détails, les yeux pétillants, et ainsi, il revivait cette fabuleuse tranche de sa vie. Peut-être en rajoutait-il, peut-être Mais son récit était si vivant et savoureux, quen tout cas, il nous faisait vivre avec lui ce formidable moment
Il nous préparait aussi pour la partie chanson, de lépreuve du Certificat détudes, « Récitation ou chanson ».
La question était ainsi posée au candidat :
« Tu chantes ou tu récites ? »
« Je chante ! »
Et lun de nos camarades de classe, sélança dans une « Marseillaise », avec plein de conviction, mais avec des accents tellement discordants et insupportables que lexaminateur larrêta tout de suite, en levant la main :
« Arrête, arrête !... Ouf ! Cest bon Tu récites, tu récites ! »
Mr QUIRICONI, nous avait appris aussi :
« Cest nous les Africains », « La Marseillaise », et « La victoire en chantant )
Il dirigeait aussi plusieurs chorales, quil présentait à la salle des fêtes.
Je me souviens des :
« Halte-là, halte-là, halte-là, les montagnards, les montagnards »
Et puis dune chanson, triste et monotone, qui donnait à peu près cela :
« Sur la glace horizontale, le manchot fait le beau »
Nous narrivions pas très bien à adhérer à cette musique, et les canards narrêtaient pas Il nétait pas content Mr QUIRICONI, vu que nous devions présenter cette chanson, à une sorte de concours des écoles
Bon, il fallait la chanter, mais quest-ce quelle était moche cette chanson
Cétait en outre, un trompettiste très apprécié à lépoque
Merci Mr QUIRICONI de nous avoir donner le goût de lécoute, que ce soit pour de la musique classique, ou de Jazz Merci.
Et puis la magie du phonographe Bien avant les premiers « TEPPAZ », on pouvait écouter des 78 tours sur celui emprunté à Mme HESNAUT, la commerçante.
Et après quelques tours de manivelle et avoir bien fixé la petite aiguille sur son support, LINA MARCY chantait « La Java bleue » et Maurice CHEVALIER « Le chapeau de ZOZO et la marche de Ménilmontant »
Ma sur Josette avait récupéré de chez Mr CHOUSSAT, un tas de vieux 78 tours, dont il souhaitait se débarrasser. Certains étaient assez inaudibles, et lun deux, donnait ceci :
« Nous nous étions vus par une fenêtre,
Tu maimas soudain, je taimais déjà,
Dès lhiver passé, lamour veut renaître,
Le printemps effeuille, les premiers lilas,
Comme il était fort, ce bras qui tenlace,
Comme il était beau notre ciel, dété,
Lamour, ce nest rien, ça vient et ça passe,
Ca nest rien du tout, mais ça fait souffrir
Et ça finissait par :
Ca nest rien du tout, mais ça fait mourir »
Je ne sais toujours pas, par qui elle était interprétée, ni de quel auteur, mais je la garde bien dans ma tête, comme on garde avec un peu de tendresse, la photo jaunie du mariage dun aïeul
Puis, arrivèrent le « TEPPAZ » et les premiers 45 tours, le jour de lanniversaire de ma sur Josette
Ses deux premiers disques :
« Toi linconnu de Dario MORENO » et surtout « Rock around té Clock (Cest comme ça que je le prononçais, té clock) de Bill HALLEY, ont certainement été passé des dizaines et des dizaines de fois, avant que « Only You et Sixteens tons des PLATTERS» ou « Petite-Fleur et Dans les rues dANTIBES de Sydney BECHET », « Tutti frutti dELVIS » et « Souvenirs, souvenirs de Johnny HALLYDAY » prennent enfin le relais
La musique qui me transportait, cétait aussi le dimanche. Le dimanche, à la fin de la messe de 10 heures, il y avait le « KIRIE » Alors, jentends encore le chur accompagné par lorgue ou lharmonium, et sélevait alors une voix très grave, presque impressionnante, celle de Mr OLIER Cétait magnifique.
Quelquefois, Melle BACHE, interprétait magnifiquement au violon,
« l Avé Maria de SCHUBERT», et les curs se serraient un petit peu aussi
Quand je sortais de léglise, je me sentais bizarre, peut-être un petit peu ému
« Si tous les gars du monde » et « Les cavaliers du ciel », bien entendu que cela vous rappelle quelquun. Quelquun avec une voix si chaude, lorsquil chantait ce jour-là au stade, cétait bien sûr, Jean-Paul MARTINI.
Lui aussi, à lécole, nous avait appris cette belle chanson et nous avait fait répéter tous ensemble à lécole, tous ensemble « Si tous les gars du monde, voulaient se serrer la main ».
Et bien peut-être que chez nous, ils navaient pas voulu
Mr DOUBLIER lui, avait eu lidée de faire fabriquer des pipeaux, aux élèves qui le souhaitaient, après la classe. Alors, en partant de bambous, sciés et poncés, on était arrivé à en faire des tubes, bien nets, prêts à être percés de six trous.
Ensuite, la partie plus délicate, consistait à découper en la sciant, la partie supérieure destinée à recevoir un bouchon, pour lembouchure.
Lorsqu après plusieurs heures de travail, les pipeaux étaient prêts,
Mr DOUBLIER, nous apprit à poser les doigts, et à souffler pour interpréter alors nos premiers morceaux : « Là-haut sur la montagne » et « Marchons dans le vent »
Comme il ne disposait pas de partitions, il nous avait noté sur une feuille, des chiffres qui correspondaient aux trous du pipeau, et combien de fois il fallait jouer ces notes. Le résultat était satisfaisant, et nous étions très fiers de nos premiers instruments de musique.
Je noublie pas Mr ZUMBILE, professeur de musique qui a pendant de nombreuses années, éduqué et formé tant de musiciens à Ménerville.
Et, lorsque lon passait devant son école de Musique, on pouvait lentendre solfier avec ses élèves : « Do o, Ré é, Mi i, » ou rectifier les petits « canards » émis par le piano ou une clarinette, en sexclamant par exemple:
« Do dièse, sil te plait, do dièse, et non mi bémol ! »
Pour ma part, javais pendant des mois appris aussi à solfier avec
Mr ZUMBILE qui nous prenait la main pour accompagner le mouvement des notes de la partition musicale. Jusquau jour, où linstrument de musique, une clarinette avais-je choisie, devenait indispensable.
Mais, comme dans beaucoup de familles à lépoque, le budget familial , ne le permettait pas toujours, alors, je métais fait une raison.
Pourtant, à limage des grands, avec Gilbert GINTER, René LIVRELLI, mon frère et moi-même, on voulait le créer plus tard, notre orchestre.
Même que Gilbert avait déjà trouvé son nom : « LA.GIN.LI.LA »
Ca sonnait bien, mais restait le plus dur Apprendre la musique !
Javais été sensible à lécoute de Rémy LAVEN accompagnant au piano sa petite sur en tutu dansant sur la scène de la salle des fêtes, ou interprétant à lécole de musique « Summertimes » à la clarinette.
De même, en écoutant les progrès de mon copain René ESCORTELL se débrouillant déjà très bien avec son accordéon.
Alors, je mappliquais à jouer du pipeau ou de lharmonica
Mais lapprentissage de lharmonica, devait être insupportable à certains, car on me demandait souvent , comme un certai barde dASTERIX, de bien vouloir jouer plus loin ma « Valse brune »
Heureusement, avec mon copain Georges BERNABE, un deuxième joueur dharmonica en herbe, on interprétait ensemble des airs, mais qui avaient lair de ne satisfaire que nous.
Sur le stade, un jour, des danseurs Africains en habits très colorés, nous avaient donné un superbe spectacle de danse, et de chants rythmés. Une découverte de la musique africaine que nous ne connaissions pas à lépoque.
Et la musique arabe ?*... A notre époque, nen riait-on pas, en samusant, mais cétait certainement parce que nous ne la connaissions pas.
Nous ne la connaissions pas, parce quelle était jugée peut-être, hors de notre culture française.
Pourtant, notre professeur darabe, avait bien commencé à nous apprendre :
« Ouin chidou, ouin chidou fil ramel koulouna » (Nest-ce pas Henri ?) »
Et il y avait bien, nos camarades arabes qui chantaient dans la cour :
«Raînou zerga, raînou zerga, ah, ah, ah » ou« Ichtah, ichtah ya loulou, kidji baba ingouloulou ! » Chansons que nous répétions par jeu avec eux, mais avions-nous le goût de cette culture musicale ?...
Plus tard, il y a bien eu BOB AZAM, avec son « Chéri, je taime, chéri, je tadore » Mais ce nétait déjà plus le moment
Ce nest quaprès lindépendance, en France, où les premiers accents « Arabo-Andalous »*, ont été entendus dans la première chanson dEnrico MACIAS : « Jai quitté mon pays »
Peut-être le premier « relais » pour essayer découter et de comprendre cette musique.
Dans le même temps, si je men souviens, un certain chanteur kabyle, IDIR interprétait pour la première fois « Avava Inouva »
Musique, musiques, vous avaient fait partie de notre vie ménervilloise, et vous nous avez apporté souvent de réels moments de bonheur, pour faire oublier peut-être, les fausses notes dun grand chef dorchestre de la politique dalors
*La musique arabe était certes plus connue et interprétée en ALGERIE, au sein des communautés juives, comme le témoignait Enrico MACIAS.