Ménerville nos souvenirs, Algerie, Ménerville, Thenia, Souvenirs de Ménerville, Souvenir de Ménerville
Notre village − 10/185 Grand rue-2
Cliquez sur l'image pour revenir à la page des miniatures
[2] Commentaires des visiteurs du site
SIMON Christian
Vendredi 5 Mai 2006 22:26
LA GRANDE RUE : à droite le batiment habitait,
1ere etage :les familles VANOVE ET DEVILLE
au r/ch :la boulangerie de M/ POUX et la librairie
de M/LAURENT dans le prolongement l'epicerie de M/BOLS
Dédé LACOUX
Jeudi 10 Mai 2018 10:29
Ménerville en 1871
Un voyageur décrit avec force détails ce quil a vu en traversant lAlgérie et la Kabylie en 1871.
Je suis arrivé ici de nuit, après avoir traversé la partie orientale de la Mitidja, maintenant presque aussi bien cultivée que le reste de la plaine. On mavait prévenu que Ménerville nest pas autre chose quune vaste cantine.
Aussi nai-je été quà demi surpris, hier soir, en parcourant la principale rue du village à la recherche dun gîte, de ne voir que quatre maisons, quatre auberges. Cependant, en consultant mon guide Piesse en chemin de fer, javais lu que Ménerville est habitée par près de huit cents Européens ; je me suis endormi en me demandant si je nétais pas victime dune mystification, et si Ménerville existait bien ailleurs que dans limagination de la librairie Hachette.
Au jour, cette impression sest modifiée. Une grande place plantée darbres qui seront grands dans quelques années, avec la mairie et la gendarmerie sur les côtés ; une jolie petite église ; une prison et un bel hôpital de cent vingt lits ; des rues bien tracées, mais incomplètement bâties ; des auberges et de nombreux débits de boissons à lusage des ouvriers qui travaillent à la ligne du chemin de fer ; quelques maisons de colons bien construites ; des cabanes en planches pour les habitants trop peu fortunés pour faire construire ; des gourbis pour de plus pauvres encore : tel est Ménerville, tête de ligne actuelle de lEst- Algérien. Mais il ny a pas lieu de rire, car tel quil est ce village représente une somme de travail respectable, courageusement entrepris et qui mérite le succès ; dans quelques années sans doute, lorsque la locomotive courra dun côté jusquà Constantine, de lautre jusquà Tizi-Ouzou, le village daujourdhui aura passé au rang des villes. Actuellement, Ménerville offre cet intérêt spécial quon peut y saisir sur le vif lhistoire des débuts de presque toutes les localités algériennes qui se sont créées depuis la conquête.
Cest aux cantiniers quil faut remonter, si lon veut trouver leur première origine. Ces industriels besogneux, sans sou ni maille, suivent partout les agglomérations dhommes, troupes en campagne ou chantiers de travaux publics, pour débiter des petits verres et vendre les objets indispensables à la vie. Il nest pas nécessaire davoir un bien gros capital pour entreprendre ce métier. On commence par vivre sous une mauvaise cabane en diss et en broussailles qui ne coûte que la peine de lélever et qui offre lavantage de se déplacer sans difficultés pour suivre le régiment ou le chantier. Au bout dun certain temps, si lon a gagné quelque argent et si lon trouve un point où il y ait chance de vendre continuellement aux voyageurs et aux passants, on sy fixe et lon construit une baraque en bois ; quelques années plus tard, si les affaires sont satisfaisantes, on fait bâtir une habitation en pierres pour avoir davantage ses aises et revenir à la vie civilisée. La réunion de plusieurs de ces maisons de cantiniers donne naissance au village, et cest ce qui a fait dire plaisamment que labsinthe a colonisé lAlgérie. Bientôt quelques-uns de ces modestes commerçants, ceux qui ont le mieux réussi, demandent des concessions de terrain au gouvernement, sil y en a de vacantes aux environs. Ils cultivent, bien ou mal ; peu importe ; mais la culture commence. Plus tard arrivent des colons, qui, venus de France dans le seul but de demander leur subsistance au lot de terrain quils ont reçu de lÉtat, font faire à lagriculture un nouveau progrès. Avec le temps, des colons libres se présentent, et des transactions ont lieu soit avec les premiers émigrants, soit avec les indigènes. Dès lors la colonisation a définitivement jeté ses racines dans la contrée, et si la terre est fertile et les saisons propices, elle prendra un essor que rien narrêtera. Telle est lhistoire de Bel-Abbès, de Boufarik, de Philippeville et de bien dautres localités algériennes. Espérons que la liste nest pas close et que beaucoup de noms nouveaux viendront sy ajouter encore.
Dès mon lever, je suis monté sur une des hauteurs qui dominent Ménerville, afin de me rendre compte de la configuration du pays. Le village est bâti entre deux collines peu élevées et revêtues de buissons épineux, sur le col même des Beni-Aïcha, ce qui en fait la porte de la Kabylie. Ses maisons, à demi cachées dans la verdure des arbres, et sa petite église, qui élève vers le ciel la flèche de son clocher dardoise, occupent le sommet dun dos dâne dont les deux versants, couverts de cultures, descendent vers loued Isser et vers loued Corso. Dans le lointain, vers lest, se dresse la masse sombre des montagnes kabyles, couronnées par le Djurdjura aux sommets neigeux et baignant leur pied dans le lit caillouteux de lIsser.
Ernest Fallot, Ménerville, 12 mars 1884